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Télétravail et chronotypes : l’occasion de vivre à son propre rythme

Avec une évolution qui jusqu’à présent avait été aussi bruyante dans les dires que lente dans les faits, le télétravail vit actuellement une de ses heures de gloire à cause du coronavirus. S’il a fallu du temps aux non-initiés pour se faire à cette pratique ces derniers jours, malgré les nombreux moyens digitaux que nous avons à disposition, nous entrons au fur et à mesure dans une certaine routine. Celle-ci peut s’avérer dangereuse si on n’en prend pas son entière mesure ou être une chance si on sait comment en tirer le profit maximal.



L’avant et l’après 1884


Depuis 1884 et l’industrialisation, l’être humain vit avec trois horloges en conflit perpétuel. Il y a tout d’abord l’horloge sociale, que nous connaissons tous et dont notre pays est probablement le meilleur représentant dans le monde. Il y a ensuite celle plus ancienne, liée au soleil et finalement, la moins connue, bien que très étudiée, notre horloge interne. Avant le 19e siècle, l’horloge représentée par le soleil et l’horloge sociale étaient au diapason. Par conséquent, l’horloge interne également. À présent, la lumière artificielle, les horaires sociaux, inadaptés à la plupart des gens, ainsi que les écrans, sont venus créer un flou très important. Avec les avancées technologiques, la mondialisation et nos fuseaux horaires déséquilibrés, il n’est pas envisageable que notre société retrouve son naturel d’antan. Le télétravail, synonyme à la fois de liberté et d’auto-responsabilité, est toutefois l’occasion de régler notre horloge interne grâce à la chronobiologie.



La chronobiologie


Sans obligation horaire ou réunion le matin, le télétravail peut être troublant car il n’y a pratiquement plus aucune structure et nous sommes donc livrés à nous-mêmes pour déterminer le rythme de nos journées. Nous pourrions être tentés de garder le même rythme que d’habitude, l’adapter à celui de nos enfants ou nos seniors qui ont besoin de nous ou au contraire, de nous laisser aller complètement et voir ce qu’il arrive, nous pourrons toujours compenser cela ensuite.


Si a priori, nous avons l’impression d’avoir le choix et que celui-ci n’aura aucune conséquence, il n’en est rien. L’importance du sommeil pour traiter les informations reçues la veille, les conséquences de rythmes circadiens inadéquats sur la santé et l’augmentation de la performance grâce à une synchronisation des « trois horloges » ont été démontrées par un nombre incalculable d’études.


En effet, chaque personne a en elle des « gènes horloge » et des cellules qui déterminent son rythme idéal. Celui-ci sera bien sûr affecté par ses habitudes, son âge, son alimentation et ses obligations, mais les différences subsistent. Ainsi, force est de constater que le télétravail sans obligation d’horaire est l’occasion d’adapter son rythme à son chronotype spécifique, ce qui améliorera l’humeur, la concentration, la performance et la santé. Comme on peut l’apprécier sur le graphique ci-dessous, ce dernier peut varier à un tel point d’un individu à l’autre que, dans les cas extrêmes, certains se réveillent lorsque d’autres se couchent :



En ce qui concerne le temps moyen de sommeil, là encore, cela dépend de chaque individu. Ainsi, on considère que cela peut varier selon les mêmes critères que précédemment entre 6 heures et 9 heures. Il s’agit d’une information importante puisque si on dépasse notre temps de sommeil, tout le fonctionnement interne est déréglé. Nous serons alors encore plus fatigués que si nous n’avions pas dormi et cela est également malsain pour le corps. Il en va bien entendu de même si on manque de sommeil, mais cela est plus visible. 


La possibilité de trop dormir est d’ailleurs une des conséquences du dérèglement entre l’horloge sociale et l’horloge solaire. Laisser les stores ouverts afin de faire passer la lumière du matin est une bonne manière de tester cette hypothèse. Il en va de même le soir. Bien qu’il y ait de nombreuses raisons qui font que se trouver face à des écrans maintient en éveil et rend l’endormissement difficile, la plus importante est qu’ils émettent ce qu’on appelle de la « lumière bleue ». Notre corps est programmé pour se lever avec le soleil et le reflet du ciel donne son nom à cette lumière qui affecte la sécrétion de mélatonine étroitement liée au sommeil. Il est d’ailleurs possible de recréer cette lumière et d’en équiper une salle pour favoriser l’éveil et la concentration, ce qui diminue les erreurs de 30% comme le montrent certaines recherches.



Nourriture

La chronobiologie est aujourd’hui utilisée pour favoriser la réussite de traitements contre le cancer, particulièrement de l’appareil digestif, l’Alzheimer et le diabète. L’équilibre de nos rythmes circadiens idéaux perdu pour de nombreuses raisons, nous n’aidons pas notre corps à effectuer son travail de manière adéquate. L’apparition du diabète est d’ailleurs favorisée par un sommeil mal régulé et des études ont établi une association à la fois de cause et d’effet entre les risques d’obésité et de diabète, et l’excès de sommeil. La nourriture est étroitement liée à notre rythme de vie et chaque personne a ses besoins morphologiques, ses habitudes alimentaires et son chronotype particulier. S’il est établi que sur les trois repas quotidiens traditionnels, le premier doit être le plus copieux et le dernier très léger pour favoriser l’apparition et la qualité du sommeil, lorsqu’on adapte notre rythme circadien à notre chronotype propre, on ne peut plus parler de petit déjeuner, dîner et souper. L’individu qui est génétiquement censé se lever tardivement, ne va pas prendre son petit déjeuner à 11h30 et remanger à 13h00 par exemple. D’ailleurs, le nombre de repas idéal varie aussi en fonction de ce que l’on mange, pouvant aller jusqu’à cinq repas par jour dans un régime plutôt végétarien.



Conclusion


Le télétravail imposé par le COVID-19 provoque un certain flou car la plupart des institutions n’y sont tout simplement pas préparées… et la majorité des collaborateurs non plus. Il y aura probablement un avant et un après cette crise pour le télétravail. Le manque de cadre, qui peut paraître difficile à gérer dans un premier temps car cela oblige à sortir de sa zone de confort, ne doit pas nous faire perdre de vue que l’horloge sociale humaine n’est réellement adaptée qu’à une infime partie de la population, puisque le chronotype dit « normal » est celui qui concerne des gens dont l’heure de réveil idéale est à 8 heures 30. Il s’agit justement de la limite de l’horaire libre habituel dans l’industrie. Alors à moins d’avoir le don d’ubiquité, difficile de se réveiller agréablement, manger copieusement le matin comme cela est conseillé, afin d’être réactif et concentré, alors qu’on commence à travailler à l’heure où on devrait ouvrir les yeux. Cela, sans oublier que plus de 25% de la population devrait idéalement se réveiller encore plus tardivement et que pouvoir commencer à 8 heures 30 en Suisse est un privilège. Le télétravail est donc un excellent moyen de réduire ce problème. À travers les nombreux films et séries traitant la thématique des nouvelles technologies et leurs conséquences, nous pouvons facilement nous projeter dans un futur où tout se ferait à distance et chacun deviendrait maître de son quotidien. Alors réjouissons-nous de pouvoir enfin découvrir notre chronotype et d’en profiter pour être non seulement plus performants, mais aussi plus heureux et en meilleure santé.

 

Références :

Roenneberg, T., Kuehnle, T., Juda, M., Kantermann, T., Allebrandt, K., Gordijn, M., & Merrow, M. (2007). Epidemiology of the human circadian clock. Sleep medicine reviews, 11(6), 429-438

https://www.santemagazine.fr/sante/maladies/maladies-neurologiques/sommeil/les-effets-negatifs-dun-exces-de-sommeil-171938

Tous les sites ci-dessus ont été consultés pour la dernière fois le 27 mars 2020

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